vendredi 26 avril 2013

Pourfendre l'insolence



On se souviendra peut-être qu’un dimanche soir de mars 2009, tandis que l’AS Nous se faisait surprendre au Stade des Alpes à la 90+3, défaite augurale d’une sombre série qui allait nous faire tutoyer l’enfer de la relégation, mon insolent neveu isérois m’avait texté un cinglant «Tu sais que j’ai entendu la clameur des supporters depuis ma chambre… Et oui, cher oncle, un match dure jusqu’au coup de sifflet…»
Car son éducation est solide, le jeune garçon concluait par un interrogatif  «sans rancune» que nous avions tôt fait d’ajouter à notre dossier d’accusation le concernant, ajoutant à l’insolence la provocation. Double peine, double chagrin.

Aussi samedi soir, dans l’orgasme touzard du Stade de France sur lequel il nous faudra bien revenir lorsque nous aurons débourré, la réception d’un nouvel sms de notre neveu isérois nous mit-elle le cœur encore plus en joie.

Que notre jeune neveu entre à son tour dans le culte de l’AS Nous, qu’il verse des larmes de félicité dans un râle de jouissance : quel plus beau trépas pour la rancune que nous lui vouions depuis quatre ans et plus.

Mais voilà qu’un autre neveu, gapençais celui-là, reprend le flambeau de la vilénie et glisse dans une vidéo anniversaire à moi destinée un odieux «Allez l’OL». Jeune homme, sachez que mon courroux n’a d’égal que ma sérénité et que je saurai vous faire rendre gorge de cet affront sans égal.

UNE LIGNE DE TEMPS ADDITIONNEL

Dimanche, 14h00. Gerland...

jeudi 13 décembre 2012

La tête dans les oliviers pour ne pas y penser




Nous avions loué un gîte pas très loin d’Avignon. Notre logeuse n’avait rien d’un vieux Polonais qui cherche une mine d’or et nous ignorions si la piscine était loin. Les champs d’oliviers, eux, étaient en contrebas, à quelques lacets sur la route qui descend du col de Suzette. C’était week-end de cueillette, deux jours à traire les oliviers. 990 kg fruit par fruit dans nos paniers de plastique noir suspendus au cou. Le vent glacé nous raccrochait à cette autre Provence, celle de l’hiver. C’était pas pastis et souleïado, mais froid aux doigts et vin chaud. On se croyait chez Giono.
Nous grimpions aux arbres, assurant une position précaire. Pieds en opposition, jambes en tension, muscles sous acide lactique. D’une main amener un rameau à soi, de l’autre l’empoigner et glisser le long des feuilles. Plop, fait l’olive qui tombe au fond du panier. Plop, plop, plop. Nous ne pensions à rien d’autre que la mécanique des gestes. C’était samedi, puis c’était dimanche. Nous avions trouvé Quiplé et sa Une sur le match à ne pas manquer. Notre train tout à l’heure nous ramènerait à temps pour mater la seconde mi-temps. Si nous avions de la chance, nous aurions même la possibilité de voir la fin de la première. C’était derby.
Mais la tête dans les oliviers, nous n’y pensions pas. Et c’était bien ainsi. Parce que cette saison, c’est l’angoisse. Lorsque nous jouions le maintien, lorsque nous visions le ventre mou, c’était du repos pour l’âme. Perdre était la normalité, tout autre résultat relevait de la surprise heureuse. Divine même lorsque nous rossions une grosse écurie. Mais là, tandis que nous tutoyons la Liga de Campeones, l’angoisse de nous vautrer in fine vaut torture de l’âme. Comme cette Copa della Liga, là, où nous ne sommes plus qu’à une marche du Stade de France. T’imagines, toi, te faire planter là ? Alors qu’une bonne petite élimination en seizième, tu t’en tapes. Aussi perdre ce derby, c’est non seulement perdre contre Lyon, horreur, mais aussi lâcher trois points sur la tête. Horreur au carré. Alors plop, plop, plop, les olives. Et ne pas y penser.

DEUX LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL
Ce soir, bim !, encore un match à gagner pour rester au contact. Et pas un seul olivier pour m’occuper les mains et l’esprit.


vendredi 4 mai 2012

Jour de deuil en Forézie


    PARIS, 4 mai (Reuters) - Le gardien de but remplaçant de l'AS Saint-Etienne, Jérémie Janot, a été prêté à Lorient jusqu'à la fin de la saison en qualité de "joker médical", fait savoir le club breton dans un communiqué publié vendredi sur son site internet.
    Barré chez les Verts depuis la signature l'été dernier de l'ancien portier monégasque Stéphane Ruffier, Jérémie Janot n'a eu aucun temps de jeu cette saison et est prêté à Lorient car Christian Gourcuff déplore deux blessures au poste de gardien au sein de son effectif.
    "J’ai eu les contacts hier soir avec le président qui m’a appelé pour savoir si j’étais intéressé par le challenge. Bien évidemment, je le suis, mais il fallait avoir l’autorisation de la LFP", explique le joueur âgé de 34 ans, qui n'a jamais quitté son club formateur depuis le début de sa carrière.
    "J’ai pris contact avec Christophe Galtier et Roland Romeyer. On s’est tous mis d’accord pour que j’arrive à Lorient ce matin pour la séance d’entraînement", ajoute Jérémie Janot.
    S'il admet "arriver sur la pointe des pieds", ce joueur à la réputation de meneur d'hommes et au style spectaculaire malgré sa petite taille pour son poste n'a qu'un objectif en tête: assurer le maintien de Lorient, qui pointe à trois journées du championnat à la 13e place, avec quatre points d'avance sur le premier club relégable.
    "Je suis impatient d’aller sur le terrain car il y a une mission à accomplir."

dimanche 29 mai 2011

Sale ère du soupçon





Nous en sommes encore à trépigner de joie et de ravissement sur le fauteuil à soutien lombaire mis à disposition par notre employeur lorsque notre ami quoique collègue Bertrand B. vient nous relayer sur la chaîne du 6-8. "J'ai du mal à m'enthousiasmer", nous confie-t-il en désignant l'écran où repassent en boucles les highlights du sacre catalan. Allusion furtive aux méchantes rumeurs de performance chimiquement assistée que certains milieux mal intentionnés relaient autour des pieds magiques de Messi, Iniesta et Xavi. La faute à une sale histoire de contrôle positif à la nandrolone qui poursuit le très classieux Pep Guardiola, notre quasi-jumeau, depuis l'époque où il jouait à Brescia en Série A.


"Il y a de moins en moins de sports qui me font bander", reprend Bertrand sans que nous n'osions l'entreprendre sur les vertus revirilisantes du beach-volley féminin et du curling (nous avons, confessons-le, un faible pour les femmes qui passent le balai).


Ô rible soupçon qui entache désormais les moindres faits & gestes de nos amis les sportifs ! En 1989, nous nous en souvenons, nous avions tous adhéré comme un seul homme à la théorie du guidon de triathlète censée expliquer à elle seule par quel miracle Greg LeMond avait détricoté le maillot jaune de Laurent Fignon lors de l'ultime étape chronométrée dans les rues de Paris la si rude. Est-ce la chute concomitante des idéaux communistes ? Est-ce la mort de l'ayatollah Khomeiny ? Quoi qu'il en soit, force est de constater que ce guidon en ferait ricaner plus d'un aujourd'hui.


Et nous sommes prêts à parier cher que ces ricanants suivront ce soir d'un oeil attentif la performance de Dimitri Payet face au PSG, Dim Payet qui devrait jouer ce soir pour la dernière fois sous les vertes couleurs de l'AS Nous avant d'aller faire fructifier ailleurs ses belles qualités.


EXERCICE DE LOGIQUE Sachant depuis l'hiver dernier que son nom figure sur les iPads du PSG; sachant que le PSG a impérativement besoin des trois points pour oser espérer jouer en Liga de Campeones; sachant que tout joueur préfère jouer la Liga de Campeones que la Ligue Europa, vous déterminerez quelle stratégie M. Payet doit mettre en oeuvre à l'occasion du match Sainté-PSG pour optimiser ses gains et sa jouissance. Vous avez genre deux heures.




Naan ! Ami quoique lecteur, rejette cette froide cérébralisation. Ecoute ton corps, écoute tes viscères et vibre, vibre nom de Dieu, s'Il existe. Refuse la pseudo-lucidité, embrasse et reçois pleinement tes émotions. Ne te laisse pas happé par la modélisation du vivant mais renoue avec la fraîche naïveté de tes vertes années.


Sus au calcul. Vive l'intuition.






TROIS LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL


"Trop beau", titre Quiplé ce matin. Ben voyons, vas-y, Quiplé, prends-nous pour des jambons qui ne connaissent pas les proverbes de notre langue et entretiens toi aussi la vile rumeur. Pff



vendredi 6 mai 2011

La petite musique me nuit




C'est un murmure qui monte en décibels jusqu'à saturer l'espace de nos réflexions. Une voix pécheresse qui nous incite au sacrilège.Au début, nous n'y prêtons pas la moindre attention. Nous sommes invités à une fête de jeunes dans l'Est parisien. Comme nous ne connaissons pas grand monde, nous nous tenons dans la fort stratégique cuisine où, savez-vous où est le tire-bouchon, les discussions sont faciles à engager. Et voilà que ces mots sont prononcés. Qu'ils survivent à quelques heures de sommeil et à une douche, qu'ils s'accrochent et nous condamnent à ampégir (1). "Il est trop petit, il peut pas être bon." Rire gras qui ose tacher notre foie. Déni de la réalité statistique qui ose ébranler nos seules certitudes. L'odieuse petite musique squatte notre crâne, la petite musique me nuit. Le Jay qui repousse sur Plasil pour l'ouverture du score de Bordeaux. Le Jay qui se troue sur l'égalisation de Welcome. "Il est trop petit, il peut pas être bon."

Nous sentons encore l'alcool qui imbibe ces mots, mais nous voyons aussi les images siglées Canal Plus. L'ombre d'un doute. Et s'ils avaient raison, ces mots insidieux ? Et si nous la croquions, cette pomme ? Et si nous nous laissions happer par la meute des colporteurs de stéréotypes, des sans-mémoire qui courent nus sur des landes balayées par un vent mauvais, horizon bouché par de tristes barrières mentales ? Et si nous les embrassions, ces mange-disques qui reprennent sans raison le jugement de ceux qui hurlent le plus fort ? "Il est trop petit, il peut pas être bon."Nous vacillons sous les coups de boutoir des ricanants. "Jay, Jay... ah non, Jay pas." Horrible tentation des cris. Mais nous n'avons pas parcouru tout ce chemin pour nous vautrer comme une grosse bouse. Alors, tel Manu Petit intercédant auprès de Zinedine Zidane, nous implorons l'esprit du Jay, nous l'adjurons. Aide-nous à désentendre cette sale petite musique.

Et le Jay, as ever, ne nous fait pas défaut. C'est par l'entremise de l'édition du 29 avril de France Football que sa parole vient à notre secours et nous ouvre la voie de la rédemption. Baptiste Chaumier est allé auprès de lui qui s'apprête à disputer son 383e match sous le maillot vert et égaler, précise le journaliste, Ivan Curkovic. Et voilà ce que lui dit le Jay: "Je n'égale pas Curko, parce qu'il est inégalable, je le rejoins."


QUATRE LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL
Lecteur ami car exigeant, tu auras sans doute relevé l'irruption inopinée d'une première personne du singulier. Mais la petite musique nous nuit, c'est de suite gravement moins mozartien. Et nous te rappelons que nous sommes ici chez wam, not but !


(1) Christine Murillo, Jean-Claude Leguay et Grégoire Oestermann, Le Baleinié, dictionnaire des tracas, Seuil 2003










lundi 7 février 2011

"Soyons notre destin"

Le rugby nous ennuie quand il brandit ses valeurs comme des oriflammes. Ses références éternelles à la solidarité, au courage, à l’engagement au service d’un collectif ressemblent de plus en plus à des villages Potemkine cachant mal les dégâts du professionnalisme. Sous le terroir du marketing couve un feu dévastateur qui contraint Jo Maso à insister auprès des joueurs « sur la chance qu’ils ont de faire un métier où la sieste est obligatoire ».

N’empêche, ces rugbymen, z’ont méchamment le sens de la formule.

Nous nous souvenons d’une formidable interview accordée par Fabien Galthié à Quiplé avant la Coupe du monde 2003. Citation montée en titre : « Soyons notre destin ».

Et voilà que l’injonction s’applique à merveille à l’AS Nous ces jours-ci. Nous affrontions Toulouse, une victoire, et nous les sautions au classement. Une victoire, et nous les avons sautés. Nous affrontions Montpellier, une victoire, et nous les sautions au classement. Une victoire, et nous les avons sautés. Et voilà qu’arrive Lyon, et voilà qu’arrive Marseille. Deux victoires, et nous les sauterons grave. Deux victoires, et la quatrième place sera nôtre, quelles que soient les performances de nos rivaux qui nous précèdent encore au classement. Et s’il advenait que certains d'entre eux flanchent, nous serions de retour sur le podium. Putain, la Liga de Campeones, dude ! La lalalala la la la lala la, aux z’arma !

Alors merci aux rugbymen et à leur sens de la formule : ô AS Nous, sois ton destin.

SIX LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL

Mis à la disposition ce week-end de la CFA, Dimitri Payet a joué, et plutôt bien, contre Pau. Un but, une passe décisive. Quiplé nous apprend même qu’ «il s'est aussi prêté au jeu des autographes au coup de sifflet final». Pas mal pour un joueur qui était prêt à aller au clash avec ses dirigeants. Un petit pari ? Dim sera titulaire contre Lyon et va en claquer au moins un.

jeudi 25 novembre 2010

Contemplation d'un ventre mou


J'avais posé ma fille à l'école, réassorti sur le chemin du retour les stocks de notre garde-manger. J'avais retapé les oreilles, lissé les draps-housses et lavé la vaisselle du petit-déjeuner. A la salle de bain, une machine tournait. A la fenêtre de la cuisine, j'avais fumé une cigarette en buvant un café. Et je contemplais mon ventre mou.
Dixième d'un classement à vingt entrées. A cinq points du leader et à cinq points de la relégation. Cinq victoires et quatre défaites. Dix-sept buts marqués pour quinze encaissés: je contemplais mon ventre mou et demeurais sans réaction. L'AS Nous, tantôt famélique, tantôt sculpturale, ne m'avait pas habitué à cela. A pareille époque l'an dernier, et idem en 2008-2009, nous frôlions la relégation. Deux ans plus tôt, nous étions à la lutte pour les belles places. Deux mois plus tôt aussi. Mais à mesure que nous nous enfoncions dans l'automne, il ne se passait plus rien. Même les regrets tombaient des arbres sans vraiment résister.
L'expulsion de Bergessio à Nice ? Le pénalty manqué de Payet face à Caen ? Dans le classement virtuel que nous aimons actualiser, nous les croyants transis du Grand Questionnement, nous les fidèles zélés de l'arrondissage rétroactif des poteaux carrés, trois points envolés à Nice + deux face à Caen font cinq qui nous installeraient aux commandes de la Ligue 1.
Mais ma foi vacillait tandis que je contemplais mon ventre mou. Je n'avais pas le coeur à tracer de plans sur de fugitives comètes. La paroi était lisse, sans aspérités, rien pour poser la main, le pied, s'élever. La paroi était horizontale aussi, sans gravité, aucun risque de tomber. J'en étais à me demander si Francis Fukuyama n'était pas dans le vrai. Je n'avais rien à perdre, rien à espérer. Je jetais un oeil sur le calendrier: l'AS Nous était annoncée à Nancy puis à Valenciennes en match en retard de la onzième journée. Ah wé, extase & félicité !
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HUIT LIGNES DE TEMPS ADDITIONNEL
C'est passé inaperçu, mais ce visionnaire de Michel Houellebecq décrit dans La Possibilité d'une île ce que ressent le peuple vert en ces mornes semaines. "La température de l'air et celle de l'eau devaient être égales, et devaient être proches de 37°C, car je ne ressentais aucune sensation de froid ni de chaleur; la luminosité était vive sans être éblouissante (...); le sable était tiède, soyeux. Alors je réalisai que j'allais vivre ici, et que mes jours seraient nombreux." (p. 480)